Apocalypses ou le 8 ème roi

Accueil > René Guénon et la Nef des Fous ... > Supérieurs Inconnus, entre fantasme des "pouvoirs" et réalité géopolitique...

Supérieurs Inconnus, entre fantasme des "pouvoirs" et réalité géopolitique...

jeudi 6 avril 2023, par Zoltan Jordania

Publiés entre 1913,14, dans "la France antimaçonnique", signés le Sphinx, les brefs articles de Guénon sur la Stricte Observance, les Supérieurs Inconnus et l’Astral, enfin les quelques documents produits par les Elus Cohen, jurent quelque peu avec ceux de 1910,11,12, publiés dans "la Gnose", alors signés Palingénius... sorte de manifeste rationaliste à orientation mondialiste que l’on croirait presque venus du "Grand Orient"...

Voici donc un Grand Architecte alias l’Adam Qadmon, alias l’Humanité en Marche... qui n’a rien à voir avec "les dieux des diverses religions", ce qui n’empêche nullement l’auteur, 35 lignes plus loin, de nous expliquer que "l’athéisme en maçonnerie ne peut être qu’un masque" qui a eu son utilité historique en pays latin, tout en refusant vigoureusement la croyance en "un Dieu personnel plus ou moins anthropomorphe" cher aux "frères" anglo saxons...

Mais revenons au Sphinx, qui selon un travers récurrent, et qui traverse toutes les Obédiences, renvoie la révélation du "secret maçonnique" par delà les Haut Grades, historiquement parodie toute allemande et particulièrement théâtrale de l’Ordre du Temple, du à la fertile imagination de Von Hund, grand ordonnateur de la Stricte Observance Templière, lancée en 1751 après quatre années de préparation...

Entraînant le tamponnage du baron par un escroc de bas étage, Johnson — un copié-collé par un pasteur très érudit, Stark, contestant un quelconque savoir occulte à ces rustauds de templiers, qu’il attribue quand à lui à ses Clercs du Temple — autre fantaisie, dont se réclamera Von Gugomos, qui entreprends de l’améliorer à grands emprunts à la liturgie catholique...

Avant de prétendre, lors du convent de 1776, (15 Août-4 Septembre), instruire la Stricte Observance et armer écuyers (et tant qu’à faire Chevaliers), ses plus illustres membres, proposition alléchante mais qui lui valu un première enquête du "frère" Bode, fâcheusement impressionné par la crasse ignorance (philosophique religieuse et scientifique) de notre baron... Rendant d’autant plus outrecuidants les invraisemblables serments exigés aux préalable...

En attendant un second discours où Gugomos, qui avait prétendu recevoir l’initiation ultime à Rome, d’un jésuite, (car bien entendu Ignace de Loyola était en fait un templier déguisé...), produira fausse chartes et faux objets, attribués aux Templiers, mais fabriqués de la veille, comme le démontrera une autre enquête, menée par le "frère" Rosskampf... et dont la publication provoquera la fuite de notre metteur-en-scène en Hollande, Westphalie, France, Italie où on perd sa trace...

Toutes données que Guénon, au mépris de toute une documentation (abondante et plus que répandue dans ces milieux), rejette ou plutôt ignore, au profit d’un vague oui-dire, allant dans le sens des "pouvoirs", ce qui lui permet de soutenir l’existence des Supérieurs Inconnus de sa façon, déjà évoqués à propos de Hund (cramponné à certaine rencontre avec un Stuart, Eques à pena Rubra, entre temps effacé de l’Histoire...).

Il est vrai que Guénon semble ne rien connaître des travaux de le Forestier (1868-1951) ce qui est quand même un peu curieux *, errata 7 Juin - alors qu’il connait parfaitement l’étude de sa disciple, Alice Joly, sur Willermoz, de 1936, qu’il s’emploie à botter en touche, en bon virtuose de la dialectique ... du Crocodile de Saint-Martin au compte rendu, par Guénon, du livre d’Alice Joly sur Willermoz...

Mais le moyen pour notre grand initié de nommer en toutes lettres l’atmosphère de crédulité et d’autosuggestion de tout ces groupuscules, de négliger les épithètes ronflants, "la Haute Maçonnerie de cette époque", de reconnaître franchement que les "rites maçonniques", de réception d’un "frère" ou d’installation d’une "Loge", loin de véhiculer une quelconque "influence spirituelle", ne sont qu’une singerie de l’ordination des prêtres ou de l’adoubement des chevaliers, enfin d’un certain nombre de "sacramentels" comme la consécration d’une Eglise et d’un autel voire de la bénédiction des troupeaux...

Bref, d’éviter aux dupes de la Stricte Observance ou du Régime Ecossais Rectifié (Pasqualy, Willermoz, Saint Martin) de conclure que toute la production maçonnique, et de la cave au grenier, relève des "couturiers de l’Empereur"...

Mais revenons sur Gugomos, baron allemand, à suivre RG relayant certaine lettre ** de "frère" à "frère" , initié par des rabbins d’Afrique du Nord (dont il serait l’émissaire), à certains phénomènes électriques, mais tout à fait incapable de les produire devant l’auguste assemblée convoquée à cet effet...(entre nous soit dit, lettre absente des monumentale études de le Forestier, en comparaison desquels les études de RG sur le sujet paraissent bien minces...)

D’où Guénon conclut, (dans un style qui est un modèle du genre...), à l’existence d’initiés "vraiment Supérieurs et vraiment Inconnus", mais avant tout capables de conférer ou de retirer, et ce à distance, les dits "pouvoirs"... à leurs chargés de mission... Bien qu’auto-missionné même mésaventure, question démonstration de ses "pouvoirs", en ce qui concerne Martinès de Pasqually, article Alice Joly, supra, addenda ce jour...

Curieux personnages, qui du mythomane (le baron) à l’escroc illusionniste (le "frère" Schroepfer, cabaretier de son état...), jettent un jour singulier sur un "Pouvoir Central " censé ordonner toute cette fantasmagorie... Sous la direction de personnages dont l’origine sociale, l’orthodoxie, enfin la "kabbale", s’avèrent plus que douteuses...

En écartant l’hypothèse (relayée par Guénon), du rôle (fort peu sourcé) de juifs autour de Weishaupt, auteur de ce véritable four que furent ses chers "Illuminés de Bavière"- ne subsiste en fait d’influence sérieuse que la très frankiste "loge" des "Frères Illuminés d’Asie", précurseur de l’émancipation des juifs en Allemagne, premier système à les accueillir en son sein, dans le cadre de loges dites de « Melkitsedek ». on ne peut plus hérétique (du point de vue de la Synagogue), mais tout barbouillé de références à Saint Jean-Baptiste et à L’Evangéliste...

Le dit "Ordre des Frères de Saint Jean et d’Asie", 1782, fondé par un certain Moses Dobruchka, alias Thomas von Schönfeld alias Junius Frey sorti de son ghetto, mais anobli pour cause de conversion au catholicisme (jobardise sans limites du clergé et de la noblesse polonaise se portant caution, et même anoblissant à tout va), avec cela gagnant à sa cause le frère de Charles de Hesse-Cassel, à l’origine de l’ascension des Rothschild.

A suivre www.philosophe-inconnu.com, adoptant comme signe de reconnaissance le Svastika, (pour l’Asie, toute première couverture, entre temps délaissée...). Excipant, côté chrétien, d’une doctrine copié-collée d’une (mauvaise) traduction du livre de Saint Martin, "des erreurs et de la Vérité"-

Comme "Pouvoir Central ", les Elus Cohen ?? — mixture judéo-maçonnique de Martinès de Pasqualy décédé en 1774, avec un Willermoz quémandant son affiliation à la Stricte Observance de Hund ?? — on peut mieux faire...

Par contre, question Influence, le frankisme (rejet de la Thorah et des rabbins, conversion à la version la plus judaïsante ou anti-Paulinienne du christianisme, avec toujours en filigrane la rédemption par le péché...) fait tache d’huile, contaminant de proche en proche toute la maçonnerie allemande, anglaise, balte... - ("Jacob Frank, le faux-messie", Charles Novak, l’Harmattan, 2012).

Mais voici qu’éclate, dans la foulée de la Guerre de Sept ans, et pour le plus grand profit de l’Angleterre... la Révolution française.

Il se passe donc beaucoup de chose entre Napoléon, le vainqueur de la Prusse, et le Bismarck de l’unification allemande, ne fut-ce qu’en raison de la révolution industrielle et du Kulturkampf dirigée contre l’Eglise catholique, la vigilante hostilité du grand chancelier à tout retour des Bourbons, dynastie autrement prestigieuse que les Hohenzollern, enfin la convergence de tous ces cénacles, "frères" allemands en tête, contre l’ennemi français...

Au point de faire hésiter Copin Albancelli, (1851-1939), qui dans son infiltration à moitié réussie de la chose maçonnique (à suivre "Le Pouvoir Occulte contre la France", 1908 devenue entre-temps un Grand Service spécialisé dans l’Influence***), délaissa un moment l’hypothèse juive pour suivre d’autres pistes :

Que ce soit Bismarck et son "fonds des reptiles"... (Ici grotesque épisode, rapporté par Albancelli, d’une FM qui après avoir porte Napoléon III au pouvoir met en scène, dès la chute de l’Empire, des tenues vociférantes, où les frères après avoir religieusement écouté "les Châtiments" de Victor Hugo défilent, en chantant et poing levé..., contre un Empereur déchu devenu traître à la République...).

Ou, mieux encore, la City... qui pourtant très inquiète de l’essor de l’Allemagne (de l’Industrie à la construction d’une puissante Marine), s’employa néanmoins, via tout un réseau Nordique, à la ravitailler en vivres et en minerais, prolongeant de plusieurs années le conflit engagé en 1914... Double jeu tragique et bouffon, mais permettant d’énormes bénéfices, sur le dos des soldats français et... anglais...

Un moment contrarié par la décision de Lord Kitchener de prévenir le Tsar de la trahison de son entourage, tout acquis aux intérêts allemands... D’où la machine infernale dans les soutes du Hampshire, (naufrage, le 6 juin 1916) pourtant affrété dans le plus grand secret et escorté de plus d’un destroyer...****

Albancelli ayant par ailleurs, après la défaite teutonique, tout loisir de s’inquiéter du veto anglais contre toute occupation française de la Ruhr, enfin d’un pangermanisme se réarmant et s’entraînant en toute tranquillité en territoire Soviétique, au nez et à la barbe des vainqueurs.

Vous avez dit Supérieurs Inconnus ?? pouvoirs occultes ???
De la diplomatie secrète, de la Phynance, et de la Haute trahison...

Mais peut-être Novak, pour le mot de la fin... "On peut dire que la naissance de la franc-maçonnerie, sur la terre européenne, serait le résultat de la fusion entre politique anglaise, son protestantisme et le sabbataïsme".

"Dès lors il n’est pas exagéré d’écrire, à l’instar de Olivier Blanc *, que la franc-maçonnerie a développé le plus grand réseau d’espionnage de tout les temps, au profit de la couronne anglaise /.../ d’autant plus grand que les loges concurrentes se sont associées aux établissements bancaires naissants ou déjà existants".

O. Blanc, "les hommes de Londres histoire secrète de la Terreur". Albin Michel,1989.


*errata 7 Juin—compte-rendu 1929, Voile d’Isis- de l’ouvrage de Le Forestier sur les "Elus Cohen"- Bien maladroitement RG mélange ses propres thèses ésotériques avec les récupérations de Pasqually conjuguant, quoiqu’en dise notre critique, l’auto-suggestion et l’escroquerie, ("science des nombres", chez notre grand initié, d’une indigence qui en dit long...).

le Forestier 1915, réédition de "Les plus secrets mystères de la franc-maçonnerie dévoilée et L’occultisme et la franc-maçonnerie écossaise".
1928, "La franc-maçonnerie occultiste au 18ème siècle et L’Ordre des élus Cohens".

** lettre du "F" prince de Carolath- "Des longtemps il faisait profession de science occultes mais ce fut l’Italie qui le forma dans cette partie. IL en revint à ce qu’on assure avec les plus rares connaissances // Par certains caractères -qui cependant n’étaient pas les véritables-et des fumigations, il citait des esprits des revenants. On assure même qu’il avait une avait une espèce de foudre à sa commande"...

On, On, On... Et RG de poursuivre "d’après des témoignages que nous n’avons aucune raison de mettre en doute", sur l’existence, en Afrique du Nord, de rabbins capables de produire un orage en miniature, (mais dont l’histoire de l’électricité n’a pas cru devoir retenir les noms...), puis d’enclencher sur les dits "caractères" mixés avec la destruction, par la Grande Loge d’Angleterre, d’archives de rédaction un peu trop papistes mais contenant, à suivre Guénon, les Abracadabra de ce prodige...
Article "la S.O et les S.I"...

** Mon interlocuteur * [le frère Amiable], continua ainsi :Vous vous rendez compte de la puissance dont dispose la Franc-Maçonnerie.Nous pouvons dire que nous tenons la France.Ce n’est pas parce que nous sommes le nombre, puisque il n’y a que vingt-cinq mille franc-maçons en ce pays (c’était en 1889). Ce n’est pas non plus parce que nous sommes l’intelligence ; car vous êtes à même de mesurer, la médiocrité intellectuelle de la plupart de ces vingt-cinq mille franc-maçons.Nous tenons la France par ce que nous sommes organisés et les seuls organisés. Mais surtout nous tenons la France parce que nous avons un but ; qu’on ignore quel est ce but ; que, comme on l’ignore, on ne saurait y faire obstacle ; et qu’enfin, comme on n’y fait pas obstacle, le chemin est large ouvert devant nous. C’est logique n’est-ce pas ? *

**** Hollande, Suède, Norvège, Danemark - charbon-cuivre- Pour les des pays du Sud, vassalisés par l’Angleterre, coton et oléagineux indispensables à la fabrique des lubrifiants, de la glycérine, partant des explosifs... Robert Boucard, "les dessous de l’espionnage anglais", éditions de France, 1931.